Kiruna est la ville natale d'Åsa Larsson et la toile de fond de ses romans. A 145 km au nord du cercle polaire arctique, cette ville – la plus au nord de Suède – est entourée d'une nature sauvage aux paysages impressionnants.
Ses longs hivers glaciaux, l'héritage de la culture sami et ses maisons peintes de couleurs vives font de Kiruna une ville emblématique du Grand Nord. Mais ce qui fait sa spécificité, c'est aussi la richesse de son sous-sol, car elle possède une grande mine de fer à ciel ouvert dont les premiers gisements ont été découverts à la fin du XIXe siècle.
Aujourd'hui Kiruna est une ville entre tradition et modernité, nature et transformation, mystère et découverte. Sa dernière attraction est le spectaculaire Hôtel de glace à Jukkasjärvi, mais son véritable joyau est sans aucun doute le glacier au sommet du Kebnekajse, la montagne la plus haute de la Suède.
Extrait :
« L’inspecteur de police Sven-Erik Stålnacke roulait sur la route entre Fjällnäs et Kiruna. Le gravier crépitait contre le châssis de la voiture et, derrière lui, la poussière formait un nuage presque opaque. Quand il prit la Nikkavägen, le sommet bleu pâle du glacier de Kebnekajse apparut sur sa gauche, se dressant vers le ciel.
Décidément, on ne se lasse jamais du spectacle, songea-t-il.
Il avait beau avoir dépassé la cinquantaine, il était toujours aussi ému par les métamorphoses de la nature à chaque changement de saison. L’air froid et sec coulant des hauts plateaux à travers les vallées à l’automne. Le retour du soleil au début du printemps. Les premières gouttes qui tombent des avant-toits et puis la fonte des glaces. »
L’héroïne des polars d’Åsa Larsson, c’est Rebecka Martinsson, une avocate fiscaliste née à Kiruna, en Laponie suédoise, ville qu’elle a quittée pour Stockholm où elle a fait ses études et trouvé un poste dans un cabinet en vue.
Elle a la nostalgie de Kiruna, où elle est déjà revenue récemment, appelée à la rescousse par son amie d’enfance dont le frère avait été assassiné… Mais l’enquête s’est terminée par une fusillade au cours de laquelle elle a tué trois hommes. La culpabilité liée à ce drame ne la laisse pas en paix, et son rôle au sein du cabinet s’est depuis réduit à celui d’une figurante prestigieuse qui, quand elle ne fait pas acte de présence en cour d’assises, passe ses journées à ressasser. Alors, quand, au début du Sang versé, il est question d’accompagner un collègue à Kiruna pour essayer de décrocher un nouveau contrat, elle y voit la possibilité de sortir de sa dépression, de trouver le courage de se confronter à sa région natale dont le drame l’a en quelque sorte exilée. Elle ne se doute pas qu’un autre drame a eu lieu non loin de la maison de sa grand-mère qu’elle retrouve avec bonheur…
Rebecka est une femme intègre et impulsive, une femme sensible et attachante, qui n’aura pas de mal – du moins jusqu’à ce qu’on découvre qui elle est – à se faire accepter par la petite communauté de Poikkijärvi, petit village à côté de Kiruna. À travers le regard nostalgique et lyrique qu’elle pose sur la nature, Åsa Larsson rend hommage à la sérénité parfois inquiétante de ces glaciers, de ces forêts, de ces lacs, de ces grandes étendues illuminées par des aurores boréales que se partagent le gibier et les loups. Rebecka ressemble d’ailleurs à cette louve pour laquelle la femme pasteur assassinée avait créé une association de défense – son pendant animal, en quelque sorte, une femelle forte et fragile à la fois. La louve Gula Ben (pattes jaunes), qui évolue dans les environs, en parallèle de l’enquête menée par Sven-Erik Stålnacke et sa chef d’équipe Anna-Maria, est un personnage à part entière du Sang versé.
Extrait :
« C’est comme de rentrer à la maison, songea Rebecka, en regardant la forêt de l’autre côté de la route. Des colonnes de pins élancés alignés dans un sol pauvre et sablonneux. La lumière du soir pénétrait loin à l’intérieur du sous-bois, teintant les troncs d’une couleur cuivrée, caressant les buissons et les pierres moussues.
Tout à coup elle se revit petite fille avec son pullover en tricot synthétique qui rendait ses cheveux électriques chaque fois qu’elle le passait au-dessus de la tête. Ses blue-jeans devenus trop courts qu’on avait rallongés en bas par une pièce de tissu d’une autre couleur. Elle vit la petite fille sortir de la forêt tenant à la main un mug rempli à ras bord des myrtilles qu’elle venait de cueillir. »
« Je suis allée à Jukkasjärvi un jour avec des amis. Juste comme ça, pour voir.
C’était un soir d’été. Le soleil brillait sur l’eau de la rivière. Les moustiques faisaient vibrer leurs ailes mais ils n’étaient pas agressifs. Nous nous sommes promenés dans le village, jusqu’à l’église. L’église de Jukkasjärvi est située dans un endroit magique. Je ne sais pas ce qu’il a de si particulier mais je comprends qu’on ait eu l’idée d’y bâtir une église au XVIIe siècle.
Nous sommes restés là un moment. Le toit de l’église sentait le goudron. Les murs peints étaient d’un rouge éclatant dans la lumière. Il me semblait entendre des elfes danser dans l’herbe haute en pouffant de rire et grimper le long des troncs élancés des bouleaux.
Le silence environnant m’emplissait physiquement. Il était comme une boule sur mon plexus solaire. Il s’installait dans ma poitrine et m’empêchait de respirer aussi profondément que d’habitude. Comme quand on a un enfant dans son ventre.
Je regardais cette église et je me disais : Elle est suspendue à l’intérieur.
Et je savais que je parlais d’une femme pasteur et que quelqu’un l’avait tuée et pendue dans l’église.
Et tout à coup j’ai pensé : Non, non. Pas du tout.
J’avais déjà écrit à propos d’un prédicateur assassiné dans mon précédent roman, intitulé Horreur boréale. Le livre était terminé et j’avais déjà signé mon contrat avec les éditions Bonnier, même s’il était prévu de le publier beaucoup plus tard. Je n’allais pas recommencer à écrire une histoire d’Église et de pasteur assassiné. Alors j’ai laissé tomber l’idée.
Mais comme nous retraversions le village et que je regardais vers l’autre côté de la rivière, j’ai aperçu le village de Poikkijärvi. Quand j’étais petite et que je vivais à Kiruna, Jukkasjärvi et Poikkijärvi n’étaient que de petits villages dormant au milieu des champs avec des maisons vides et abandonnées. Et puis Yngve Bergqvist a eu l’idée de construire son hôtel de glace et Jukkasjärvi est devenu une destination touristique célèbre dans le monde entier.
Je regardais Poikkijärvi de l’autre côté de la rivière et je me demandais comment se sentaient ses habitants. Ce qu’ils pensaient de tout ce cirque à Jukkasjärvi. Et je me suis imaginé une clique de vieux grognons qui passaient leurs journées à maudire Yngve Bergqvist. »
Sandhamn : la mort lui va si bien. La romancière Viveca Sten a choisi cette île au large de Stockholm comme décor de ses polars.