En Terre Scandinave - Le Polar Polaire chez ALBIN MICHEL

Sur la Scandinavie


Vous considérez-vous comme un auteur scandinave ou simplement comme un auteur vivant dans un pays scandinave ?
La Scandinavie est une région assez exotique. De nombreux endroits, conventions sociales ou traditions y sont uniques au monde, donc en cela, oui, je suis scandinave. Pour tout le reste, je suis un citoyen du monde.

Quelle importance a pour vous l’image du Danemark où se déroule l’action de vos livres ?
Comme je suis très précis dans mes recherches, ceux qui liront la série des enquêtes du département V pourront visiter le Danemark et retrouver aisément l’atmosphère des endroits dont je parle. Pourtant, je ne laisse jamais le décor détourner l’attention de ce qui est au cœur d’un bon thriller : l’empathie pour les personnages, le respect de l’intrigue et la compréhension de ce qu’attendent les lecteurs, leur faculté à imaginer eux-mêmes leurs propres paysages. 

Êtes-vous un auteur politiquement engagé ? Considérez-vous la politique comme faisant partie de vos livres, ne serait-ce qu’en toile de fond ?
Si vous voulez savoir si je suis critique envers le système politique danois, alors la réponse est oui. Si vous me demandez si j’ai tendance à défendre un parti politique plutôt qu’un autre, la réponse est non. Mon attitude concernant la politique est d’abord d’être critique, peu importe ce qu’il y a à critiquer. Et ensuite de rappeler aux hommes politiques au pouvoir qu’ils doivent comprendre que ce sont eux qui sont à notre service et non l’inverse. Comprendre qu’avant toute chose, dans leur domaine, ils doivent être capables de reconnaître leurs erreurs et de s’auto-évaluer.

Les pays scandinaves sont-ils encore sous l’emprise de cette notion d’un idéal socio-démocrate ? Ou est-ce que nous vivons tous désormais dans le même monde ?
Il n’y a aucun doute sur le fait qu’aujourd’hui dans les pays scandinaves nous vivons dans une forme de démocratie unique au monde. Que ces dernières années nous ayons suivi des tendances plus globales (tout particulièrement ici au Danemark) confèrant plus de valeur à l’individu qu’au bien commun de la société, ça, c’est une autre affaire. Nous avons connu une période très négative, morose, mais nous avons toujours le droit de critiquer et de rejeter sans faute les mauvaises idées. Et il n’y a aucun endroit au monde, à mon avis, où l’on utilise plus fréquemment et de manière plus réfléchie ce droit dont je suis fier.

Sur le genre du thriller et ses sources d’inspiration


Pourquoi écrivez-vous des thrillers ?
Le genre permet d’écrire une histoire qui se déroule à n’importe quelle époque, qui peut jouer avec différents points de vue et aborder tous les sujets. Comme je suis fasciné par la politique, les secrets et le côté obscur des hommes, et comme ces trois éléments, quand ils sont mélangés, produisent des résultats aussi dévastateurs que passionnants, le choix du thriller s’est imposé à moi. De plus, c’est un genre qui offre la possibilité d’être publié dans d’autres pays, et donc de pouvoir vivre de son écriture. De nombreux films se fondent sur des thrillers ou des suspenses : Chacal, Le Comte de Monte-Cristo, Quand les aigles attaquent, La ligne verte – autant de livres formidables devenus de merveilleux films. Comme j’ai fait des études de cinéma et que j’ai constamment en tête des milliers d’images, j’aimerais bien que mes romans soient portés un jour à l'écran.

D’où vient votre inspiration et quels sont les sujets qui vous intéressent ?
Je suis toujours intéressé par ce qu’on ne dit pas, par les questions laissées sans réponses. Par exemple, pourquoi soudainement au milieu des années cinquante avons-nous eu accès à des psychotropes violents et qui ont été les cobayes ? Que se passe-t-il lorsqu’un président des Etats-Unis nouvellement élu perd la tête juste avant son investiture ? Quel effet peut avoir sur quelqu’un l’enfermement dans une chambre pressurisée durant 5 ans ? Et que se passe-t-il si cette personne, une femme, ne sait même pas pourquoi elle y est enfermée ? Des questions comme celles-ci me taraudent et me forcent à entreprendre des recherches approfondies, probablement jamais faites auparavant. Chaque livre devient une sorte de petite enquête.
Les sujets d’actualité, ou qui vont le devenir, m’intéressent au plus haut point. Et aussi les cas de gens ordinaires, tout particulièrement les femmes, qui vivent de petits drames, aux conséquences incalculables pour eux et les autres – à mon avis, on tient là l’intrigue parfaite !
La plupart du temps, l’inspiration est tout simplement le résultat du fait de garder les yeux grands ouverts et de travailler dur. Les muses ne sont pas aussi généreuses en soudaines idées de génie qu’on ne le croit...

Sur son parcours d’écrivain

 

Comment et pourquoi avez-vous commencé à écrire ?
Comme la plupart des auteurs, j’ai commencé à écrire assez jeune. J’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui m’ont encouragé, complimenté. Les compliments peuvent engendrer de grands choses. J’ai écrit une histoire pour ma sœur, participé à plusieurs concours d’écriture et j’en ai remporté quelques uns. Mais dans l’ensemble, j’étais un enfant comme les autres.
C’est seulement à l’âge de 30 ans que j’ai réalisé que j’avais envie d’écrire un roman. Ma femme et moi avons pris un congé sabbatique de 6 mois, passé en Hollande, où j’ai écris mon premier roman, Russian solitaire. Ce n'était pas trop mal ficelé, mais j’ai décidé que je manquais encore d’expérience et je l’ai rangé dans un tiroir, où d’ailleurs il restera. Plus tard, j’ai travaillé en tant qu’éditeur en chef puis directeur d’une maison d’édition, ce qui m’a appris beaucoup de choses. J’ai surtout lu beaucoup de manuscrits.
Mon conseil aux auteurs débutants: lisez tant que vous pouvez, surtout des choses bonnes à jeter à la poubelle – c’est très motivant : vous, vous pouvez faire mieux que ça !
J’ai commencé à écrire mon premier vrai roman à 39 ans, et à cause de ma situation professionnelle, il n’a été publié que quand j’en ai eu 47. Mais à partir de ce moment là, impossible de revenir en arrière, et je suis devenu un auteur à plein temps.

Comment gérez-vous l’angoisse de la page blanche ?
C’est un syndrome que je ne connais pas, et qui ne devrait d’ailleurs exister pour personne. Je pense que la peur de la page blanche provient soit d’un manque de concentration soit de la simple paresse. Quand on se concentre sur son travail, l’inspiration vient naturellement. Personnellement, j’aime quand ces trous noirs apparaissent en cours de route, quand des problèmes surgissent dans l’écriture, quand je dois me battre avec une question que je n’ai pas encore résolue. Par paresse, j’entends le fait de se lever de sa chaise au lieu de tenter de résoudre le problème. Ne vous levez pas – c’est tout ce que j’ai à dire ! Si vous ne lâchez pas, la page blanche n’aura aucun pouvoir sur vous. On ne devrait jamais se lever avant d’être satisfait de son travail. Cela dit, on ne doit pas trop donner non plus. Il faut en garder pour le lendemain, tout en ayant en tête dans quel sens cela doit aller. La demi-page, que vous auriez aisément pu terminer aujourd’hui, sera votre meilleure alliée pour recommencer à écrire demain. Vous pouvez même vous arrêter au milieu d’une phrase – c’est un vieux truc, mais ça marche. Qui ne finirait pas une phrase le lendemain matin ?

Quels sont les écrivains qui vous ont inspiré ou vous inspirent ?
John Steinbeck, Charles Dickens, Victor Hugo, mais aussi Peter Bichsel, Jerzy Kosinsky et même l’étrange Erlend Loe. Des écrivains originaux avec une langue originale et des intrigues à vous faire pleurer toutes les larmes de votre corps, à vous déboiter les zygomatiques. Je pourrais ajouter beaucoup d’autres noms, dans plusieurs genres littéraires différents.

Sur les enquetes du département V

 

Comment est né le premier tome de la série Miséricorde  ?
Miséricorde est construit à partir de plusieurs éléments. Tout d’abord, Carl Mørck, le personnage principal, et son histoire. Elle est longue et s’étendra probablement sur 9 à 10 tomes. Sa vie contient beaucoup d’aspects intéressants mais aussi obscurs, qui seront révélés progressivement. Le personnage de Mørck s’inspire du patient d’un hôpital psychiatrique que j’ai rencontré à l’âge de 6 ans. Il s’appelait Mørck, paraissait très gentil, mais c’était un criminel dangereux. Ainsi j’ai appris très tôt que le bien et le mal pouvait facilement exister dans une seule et même personne.
Chaque personnage a sa propre fonction tout au long de la série. J’ai en tête l’intégralité des tomes, donc je connais l’histoire de chacun.

En ce qui concerne Miséricorde, je me suis inspiré de mon enfance dans les hôpitaux psychiatriques où j’ai croisé beaucoup de personnes repliées sur elles-mêmes, enfermées dans leur propre cage sans comprendre comment elles avaient fini par s’y trouver, et encore moins comment en sortir. J’ai également été inspiré par l’histoire d’un petit garçon italien enfermé pendant 14 ans par ses parents qui n’aimaient pas son physique. Je savais aussi que mon histoire devait comporter une part d’humour et s'articuler autour de personnages et de lieux bien définis. Le reste est simplement de la fiction.

Mørck s’inspire-t-il de vous ?

Je suis né Carl Valdemar Jussi Henry Adler-Olsen. Donc bien-sûr, Carl, c’est aussi un peu moi. Le trait de caractère que nous partageons jusqu’à un certain point est la paresse. Comme je ne suis pas fier, je travaille d'autant plus ! Dans le fond, j’envie à Carl sa décontraction, le fait de pouvoir piquer un petit roupillon quand ça lui chante. Comme lui, j’ai facilement des idées créatives et nous sommes tous les deux très directs, on ne tourne pas autour du pot lorsqu’on a un message à faire passer. D’après mon expérience, l’honnêteté facilite les choses, même lorsqu’elle n’est pas appréciée. Contrairement à Carl, je suis diplomate, mais je l’envie lorsqu’il dit aux gens leurs quatre vérités. En bref, nous avons beaucoup de points communs – mais une chose est sûre, quand la série sera terminée, ni Carl ni moi ne nous mettrons au golf…

Pouvez-vous nous en dire plus sur le personnage mystérieux d’Assad ?
Son histoire est centrale, il est l’un des éléments les plus mystérieux du département V. Assad est né d’une simple phrase de mon ami le traducteur Steve Schein. Un jour que je l’appelais pour lui dire qu’il me manquait et que je pensais souvent à lui, il m’a répondu : « Ca alors, Jussi, c’est formidable, les grands esprits se rencontrent – justement moi aussi j’étais en train de penser à moi ! ».
J’ai construit le personnage décalé d’Assad à partir de cette seule phrase. Il est comme l’acolyte de Don Quichotte, Sancho Pança : vif, plein de petites manies, de bonnes combines. C’est toujours lui qui donne le coup d’envoi des histoires. La relation entre Carl et Assad peut aussi être comparée à celle entre Sherlock Holmes et le Docteur Watson, même si Assad n’est pas complètement watsonien… Engagé en tant qu’homme à tout faire au service de Carl, il semble d’abord un peu benêt, mais possède en fait un grand sens de l’humour et une intelligence aigue, surtout en matière d’enquêtes policière. Assad est né pour être le catalyseur de Carl. C’est lui qui arrive à faire en sorte que son supérieur, las et désabusé, s’intéresse à nouveau à son travail et à la vie autour de lui. Et en même temps, Assad est aussi le parfait exemple de l’immigrant sur un pied d’égalité avec n’importe qui, tout aussi éduqué, si ce n’est plus. Il n’a pas le moindre doute sur le fait que différentes cultures puissent cohabiter. La longue histoire d’Assad, qui progresse lentement de livre en livre, est au moins aussi passionnante et imprévisible que celle de Carl, vous allez voir !

Dans le cas d’une adaptation au cinéma, qui aimeriez-vous voir dans les rôles de Carl Mørck et Hafez el-Assad ?
Les livres sont adaptés par une équipe qui est pratiquement la même que celle chargée de l’adaptation du premier Stieg Larsson. Nous avons le même scénariste. A partir de 2013, chaque année pendant 9 ou 10 ans, sortira un film tiré de la série du département V. Chaque film sera palpitant, saisissant, effrayant, et normalement, la même équipe d’acteurs restera en place jusqu’au bout afin que l’on puisse suivre leur progression au fil du temps.
Selon moi, tout homme avec une réelle expérience de vie peut jouer le rôle de Carl. Au Danemark, le casting est terminé. Mais je pourrais assez bien m’imaginer le Tommy Lee Jones d’il y a 20 ans dans le rôle de Carl Mørck, haha…

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Carl Mørck, le danois typique, Hafez El-Assad, le réfugié politique d’origine syrienne au passé mystérieux et Rose Knudsen, la femme aux cheveux noirs à la punk, talons vertigineux et sourire à se damner, composent les personnages récurrents de l'univers de Jussi Alder-Olsen... En savoir plus...

 

 

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