Les romans de Viveca Sten se déroulent dans l’archipel de Stockholm, sur l’île enchanteresse de Sandhamn, paradis des yachts et des touristes l’été, havre de verdure avec ses jolies maisons de bois et son paysage atypique, magnifique, même si le mal est là, tapi sous l’eau dormante…
Comment s’y rendre ?
En été, des bateaux vous conduiront de Stockholm à Sandhamn. Compter deux heures et demie à trois heures et demie de trajet.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site : www.destinationsandhamn.se/en.
Quand je pense à Sandhamn, je vois des maisons de bois rouge pressées les unes contre les autres au bord du chenal et la petite entrée du port où les voiliers jettent l’ancre depuis le XVIIe siècle. L’imposante douane de 1752 se dresse à la pointe de l’anse, des bouées blanches se balancent autour des pontons et le soleil miroite sur l’eau entre les canots et les voiliers amarrés. « Sandhamn la pittoresque, cernée d’eau sur trois côtés et par la haute mer sur le dernier. » C’est en ces termes qu’en 1873 le grand August Strindberg a dépeint Sandhman, où il a vécu à plusieurs reprises avec son épouse, Siri von Essen. Peut-être déambulait-il à travers les étroites venelles du port en compagnie de figures de la scène artistique suédoise comme [les peintres] Anders Zorn et Bruno Liljefors ? Peut-être savourait-il les joies d’une promenade silencieuse dans les bois de pins clairsemés, au milieu des troncs gris violacé et des bruyères roses ?
Sans doute prenait-il la vapeur qui relie encore aujourd’hui Stockholm à Standhamn, le Sandhamns Express. Le voyage dure deux heures et demie et traverse l’un des plus beaux archipels du monde, le must étant de déguster à son bord un « steak vapeur » [servi avec des oignons et des pommes de terre].
L’îlot, qui ne compte pas plus de 110 habitants permanents, se situe à l’extrême limite de l’archipel [de Stockholm]. La cohésion de la communauté est forte, et tout le monde se connaît depuis des générations. En hiver, la plupart des maisons sont cependant fermées ; le magasin n’ouvre que deux heures le matin et il n’y a que quatre ferrys par jour ; le soir on ne croise quasiment plus un chat et, dans le port, les bateaux de plaisance dorment sous des bâches ouvertes de neige comme une brochette de phoques assoupis. C’est en été que Sandhamn revient à la vie. Lorsque les 3 000 résidents estivaux et les 100 000 visiteurs annuels débarquent, l’île change du tout au tout. Le port est envahi par de beaux voiliers blancs et d’élégants yachts. L’Hôtel des plaisanciers affiche complet, les terrasses font le plein et le rosé coule à flots. Les touristes partent en pèlerinage sur les longues plages situées de l’autre côté de l’île. L’eau y est tiède et le sable blanc. Le soir, une odeur de viande grillée embaume l’atmosphère à l’heure du barbecue sur le pont des navires et dans les jardins.
Mon arrière-grand-père paternel, Oscar, est arrivé sur l’île en 1917. Il y a acheté notre maison de famille à un pilote côtier. Chaque été, Oscar et sa famille y débarquaient avec leur aréopage : cuisinière, chauffeur et précepteur. Ils aimaient flâner sur la plage en admirant les fins voiliers d’alors. Aujourd’hui, c’est mon père qui vit là et qui, d’une main précise, attache les rosiers qui grimpent sur la façade sud. Au coucher du soleil, nous descendons souvent sur le ponton, à l’heure où l’horizon prend des teintes orangées et où la rosée du soir embue nos verres. La lune luit à la manière d’une étoffe de soie moirée, ciel et mer se confondent et les îles, au loin, ressemblent à des ombres noires sur les eaux calmes. Fugaces instants de bonheur.
A l’été 2005, je suis allée me promener sur la plage sud de l’île. Le soleil tapait fort et des nuages blancs moutonnaient dans le ciel. On apercevait des voiles blanches sur la ligne d’horizon. Une image m’est soudain venue à l’esprit – et si je tombais sur un cadavre ? Que se passerait-il ? Un cadavre avec la peau boursouflée par son séjour dans l’eau, entortillé dans un filet de pêche, les orteils et les doigts grignotés par les poissons… Que se passerait-il dans ce paradis estival si un cadavre s’échouait sur la plage au beau milieu des familles, des plaisanciers et des touristes ?
Ce jour-là, je suis rentrée à la maison et je me suis lancée dans l’écriture d’un roman policier. En un peu plus d’une semaine, j’avais écrit le premier et le dernier chapitre de ce qui serait mon premier polar de la série Sandhamn : La Reine de la Baltique [France Loisirs, 2012]. Ses personnages principaux sont l’inspecteur Thomas Andreasson, de la police de Nacka [à Stockholm], et Nora Linde, son amie d’enfance, juriste bancaire. Lorsque j’ai eu l’idée du personnage de Thomas, j’ai voulu en faire quelqu’un d’avenant et de sympathique, quelqu’un que l’on aimerait avoir pour ami. J’en avais assez – pour être franche – de ces commissaires acariâtres, à peine capables de réchauffer une pizza au micro-ondes et qui écoutent de l’opéra à longueur de journée. Le personnage de Thomas est devenu si populaire que des lecteurs me demandent son numéro de téléphone.
Sandhman s’est révélé le cadre idéal pour des romans policiers. Il y a quelque chose de très séduisant dans l’idée d’une mort brutale dans un cadre aussi harmonieux. Plus l’endroit est idyllique, plus le crime est odieux. Un cadavre ensanglanté qui surgit de là où des enfants jouent, un cornet de glace à la main… Une plage ensoleillée sur laquelle on trouve des membres mutilés… Un meurtrier dans un paradis balnéaire, c’est un contraste irrésistible pour un auteur de polars. On me demande souvent quelle est la meilleure période pour visiter Sandhman. Je songe alors aux longues soirées du début de l’été, quand le soleil se couche vers 23 heures. En juin, la lumière du soir n’est jamais noire, mais d’un bleu profond, les lilas embaument l’atmosphère et les sureaux sont en fleurs. C’est tout aussi beau en août, à l’époque où le soleil de la fin de l’été miroite sur les vagues, où l’air est gorgé du parfum des roses et où l’opulente lune jaune d’août se lève sur l’horizon. En automne, les frondaisons se parent d’un arc-en-ciel de couleurs et l’air est délicieusement limpide. En hiver, enfin, la neige est d’un blanc étincelant et les pontons se couvrent de stalactites. Il arrive que le soleil soit si bas que l’astre blafard semble flotter sur l’horizon. Qui peut résister à l’archipel lorsque le givre fait scintiller la cime des arbres et que l’île se couvre d’un manteau de glace ? Pour moi, toutes les saisons rivalisent de beauté. Dès que j’ai les pieds sur le ferry, je suis heureuse : je suis en route pour mon île. Quand le bateau fend les vagues et que l’écume est aussi bleue que le ciel de juillet, mon cœur est en paix. Bienvenue dans mon paradis !
Viveca Sten
Source : article "Sandhamn : la mort lui va si bien"
publié dans le Courrier International" du 18 mai 2013
(extraits : "Die Welt" - Berlin) - Voir l'article en intégralité
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